Local Gestures
because the personal is cultural
En tant que chorégraphe, je cherche à garder un lien avec la danse et donc avec le mouvement « dansé. » Cependant, en tant qu'artiste, je cherche une liberté. Je suis donc prise entre les deux. C'est pourquoi quelque part je fuis l'idée d'avoir un filtre quelconque, mais d'autre part je m'impose une stylisation des formes et des gestes afin de me relier au mouvement dansé. Au niveau de l'imaginaire, j'essaie de me laisser aller dans n'importe quelle direction. Par la suite, j'ai tendance à travailler un peu comme un dessinateur ou un sculpteur, voulant modeler et remodeler les détails d'un geste et d'un mouvement en quête de sa valeur esthétique, mais aussi en quête des émotions et de l'humanité retenues dans ces formes. Donc, oui, toute forme et toute séquence de formes sont valables comme matière de travail. Au fond, j'avoue que je trouve les étapes de recherche et le processus de travail de création très stimulants et inspirants, souvent même plus que le fait de donner un spectacle. C'est dans les moments où on fouille dans le corps, comme dans le fond d'un tiroir, et qu'on explore les objets disparates qu'on y retrouve que je sens qu'un filtre serait malvenu. Par contre, on finit par la suite par trier de plus en plus et par altérer les objets choisis d'une telle façon et à un tel degré qu'une sorte de filtre finit tout de même par s'installer. En plus on est limité par nos tendances personnelles, par notre façon personnelle de faire. C'est ce filtre-là qui est difficile à éviter!
SYLVAIN VERSTRICHT Qu’est-ce qui ne pourrait pas se retrouver dans un spectacle de Lina Cruz? LINA CRUZ Il doit y avoir plusieurs « choses » que je n'inclurais pas, j'imagine, dans un spectacle, mais je n'arrive pas à dire radicalement « non » à quoique ce soit ou à dire que « jamais je ne ferai ceci ou cela. » Je crois que si j'avais la possibilité de manipuler et transposer les éléments potentiels d'un spectacle pour leur donner une ambivalence et une ouverture à plusieurs interprétations, je serais intéressée par pratiquement tout. J'ai de la difficulté à dire que ceci ou cela, non, jamais je ne l'utiliserai, car au moment même de dire « non, » je m'entends penser : « mais pourquoi pas? » Cela m'arrive aussi en tant que public ou spectatrice. Je crois que je suis un très bon public car j'ai du plaisir à aimer les spectacles que je vois, j'aime apprécier toutes sortes de propositions, que ce soit le travail d'artistes qui se rapprochent de mon esthétique autant que ceux qui sont à des pôles opposés. Je dirais que ce qui pourrait me déranger dans un spectacle serait probablement une proposition quelconque que j'interprèterais comme étant une atteinte aux droits de l'homme/la femme, surtout si je n'y perçois pas de deuxième degré (mais comme tout est subjectif…). J'ai du plaisir à découvrir des artistes d'une grande diversité et j'ai peur de la pensée unique. C'est pourquoi, en réfléchissant à votre question et en l'appliquant à ma pratique artistique, j'ai de la difficulté à identifier ce que je ne ferais pas. En attendant, heureusement que je n'ai pas tant d'occasions de présenter mon travail et ainsi prouver que je me trompe et qu'au fond mes choix sont très limités! SYLVAIN VERSTRICHT Il y a une certaine porosité dans les rôles qu’occupent les interprètes dans vos pièces. Les danseurs créent souvent de la musique et les musiciens peuvent se retrouver à exécuter quelques pas de danse. Qu’est-ce qui vous pousse à faire ce choix? LINA CRUZ En 2000, j'ai été invitée par le Canadian Electronic Ensemble à créer des solos pour moi-même et à les présenter à Toronto, accompagnée par eux sur scène. Cette expérience a été super stimulante pour moi et déterminante dans ma démarche. Les musiciens étaient sur scène, dans un coin, avec leurs instruments et leurs machines. Il n'y avait pas d'implication physique de leur part ni de travail sonore de la mienne. Le fait d'être cependant si proches les uns les autres sur une même scène, eux en train de produire de la musique et moi de livrer des images, a été très inspirant pour nous tous. Depuis, j'ai ressenti le besoin de créer des spectacles avec des musiciens sur scène. J'ai créé ainsi plusieurs solos. Très vite, j'ai réalisé que le fait d'avoir des musiciens sur scène signifiait pour moi qu'ils faisaient partie du paysage vivant et du contenu esthétique du travail. C'est pourquoi j'ai commencé à explorer la manière de les intégrer. Je ne voulais pas qu'ils soient simplement « exécuteurs » de son et de musique. J'ai compris aussi très vite qu'il fallait trouver des façons très faciles de les intégrer, concevoir des propositions accessibles pour eux. Je savais qu'il fallait ne pas trop leur compliquer la vie! Ce, pour plusieurs raisons… D'abord, en général ils n'ont pas l'habitude de bouger, d'habiter un personnage. Cela représente donc beaucoup d'heures de répétition, mais je dois aussi respecter mon budget et, de toute façon, leur disponibilité est limitée car ils sont souvent très occupés! D'un autre côté, ils ont besoin d'avoir leur attention disponible plutôt pour la musique que pour la performance physique… sinon ils capotent! Afin d'établir d'avantage cette complicité entre musiciens et danseurs, j'ai commencé aussi à donner aux danseurs des participations à l'espace sonore. Dans mes pièces de groupe, il y a un côté tribal, célébratoire, parfois rituel, et l'utilisation de la voix devient pour moi donc naturelle. J'aime explorer la ponctuation sonore des actions des danseurs sur scène. J'ai l'impression que le mouvement devient ainsi plus vivant. Sur une scène, je vois un petit univers commun, une expérience à partager au-delà de la musique et de la danse. Il me semble que ce dialogue et cette complicité entre danseurs et musiciens nous aident à être dans un même univers. Puis, je crois que les musiciens sont curieux mais timides à l'idée d'être physiquement actifs sur scène (sauf évidemment les vedettes de rock et du heavy métal). D'autre part, en règle générale, les danseurs sont excités à l'idée de participer musicalement, peu importe leur niveau d'expérience en musique. Je dirais que la plupart de gens aiment secrètement faire de la musique et s'exprimer avec le corps, peu importe leur degré de facilité dans ces matières. C'est aussi dans cette direction que j'aime amener les musiciens et les danseurs à visiter ainsi le terrain de l'autre, même en tant que néophytes, pourvu qu'ils soient des néophytes assez rêveurs pour se permettre de visiter l'univers de l'autre avec plaisir. Imaginarium, ne pas nourrir les animaux! 21-23 janvier à 20h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$
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1. Tragédie, Olivier Dubois (Danse Danse)
Avec son opus pour dix-huit danseurs nus, Dubois a abordé les grands thèmes (le passage du temps, la mortalité, la petitesse de la vie humaine, le rôle de l’art, l’humanité) en prenant son temps, en n’empruntant aucun raccourci facile, en laissant le sens émerger de lui-même. 2. Uncanny Valley Stuff, Dana Michel (Usine C) Avec Uncanny Valley Stuff, Michel a continué sa recherche entamée avec Yellow Towel, spectacle qui figure dans le top dix du magazine new-yorkais Time Out et pour lequel le prestigieux festival ImPulsTanz a créé un prix spécialement pour elle. Sa nouvelle courte pièce est toute aussi incisive mais encore plus drôle. En empilant les clichés sur les Noirs jusqu’à ce qu’ils s’entremêlent et se contredisent, Michel démontre l’absurdité de ces stéréotypes qui nous présentent une vision déformée du monde. 3. Antigone Sr.: Twenty Looks or Paris Is Burning at the Judson Church (L), Trajal Harrell (Festival TransAmériques) Antigone Sr. a probablement été le spectacle de danse qui a créé le plus de divisions cette année. On pourrait diviser le public en trois : ceux qui ont quitté la salle, ceux qui sont restés assis les bras croisés, et ceux qui se sont levés pour danser. Il n’est donc pas surprenant que le spectacle se retrouve dans mon palmarès. Il faut dire que je suis queer et que j’ai une affinité pour la danse post-moderne, ce qui me donne une double porte d’entrée sur le sujet. Pour ceux qui n’ont pas eu l’endurance nécessaire pour passer à travers ce défilé de mode DIY de deux heures, il serait bon de noter que les plus grands bals qui ont inspiré la pièce pouvaient durer jusqu’à dix heures de temps; comptez-vous chanceux! Peut-être comprenez-vous maintenant un peu mieux ce que c’est que de se sentir aliéné par la culture dominante. 4. Monsters, Angels and Aliens Are Not a Substitute for Spirituality…, Andrew Tay (OFFTA) Pour être honnête, lorsque j’ai vu la nouvelle pièce de Tay, qui vire de plus en plus dans le performance art, je me suis demandé si j’étais en train de regarder un artiste perdre la tête sur scène ou si Tay était en contrôle de son art. J’étais évidemment assez intrigué pour découvrir la réponse avec Summoning Aesthetics qu’il a ensuite présenté avec François Lalumière au Festival Phénomena. Conclusion : Tay continue dans la même veine ritualiste, sachant clairement dans quelle direction il va même s’il ne connaît pas nécessairement sa destination. J’ai admiré qu’il ait pris la décision de terminer Monsters sur une note différente de ce qu’il avait prévu pendant la représentation même. La misogynie latente qui avait l’habitude d’hanter ses pièces est disparue. Ce qui demeure est son ludisme, son humour et son ouverture aux expériences, peu importe ce qu’elles s’avèrent être. Si je me souviens bien, un spectateur avait qualifié Summoning Aesthetics « d’honnêteté perverse. » Cela me semble aussi approprié. 5. Built to Last, Meg Stuart (Festival TransAmériques) Avec Built to Last, Stuart (qui a reçu le Grand Prix de la Danse de Montréal) a abordé des thèmes similaires à ceux de Tragédie d’Olivier Dubois, mais de façon beaucoup plus théâtrale. En juxtaposant un immense mobile de notre système solaire avec une maquette d’un tyrannosaure et la danse contemporaine avec la musique classique, Stuart a démontré l’insignifiance des actions humaines et que notre seule rédemption possible se trouve dans l’art. 6. Florilège, Margie Gillis (Agora de la danse) Pour célébrer ses quarante ans de carrière, Gillis nous a offert cinq pièces de son répertoire revisitant les années 1978 à 1997. Par le fait même, elle nous a rappelé pourquoi elle est devenue une danseuse de telle renommée. L’intangible se manifeste à travers son corps, soulignant la fragilité de l’humain dans un univers chaotique. 7. Mange-moi, Andréane Leclerc (Tangente) Leclerc a utilisé la contorsion et la nudité pour aborder les relations de pouvoir entre les individus lorsque notre survie dépend des autres. Qu’elle puisse s’attaquer à de telles questions tout en offrant une des pièces les plus sensorielles de l’année démontre l’intelligence de son travail. 8. Tête-à-Tête, Stéphane Gladyszewski (Agora de la danse) Ma réaction à ma sortie de cette pièce de quinze minutes pour un seul spectateur à la fois : on doit donner à Gladyszewski tout l’argent dont il a besoin pour réaliser ses projets. Aucun autre chorégraphe n’arrive à intégrer la technologie avec autant d’adresse. Tête-à-Tête était à la fois intime, inquiétant et magique. 9. The Nutcracker, Maria Kefirova (Tangente) L’excentrique Kefirova a troqué l’écran vidéo pour des haut-parleurs et a démontré qu’elle maîtrise le son avec autant de flair que l’image. « Elle n’utilise pas le son pour meubler le silence comme le fond maints spectacles, mais pour matérialiser l’invisible, » disais-je. Difficile d’oublier la satisfaction ressentie lors de l’exutoire du tableau final, où Kefirova s’acharne à faire éclater des noix de Grenoble en morceaux en se servant de ses chaussures à talons hauts comme casse-noisette. 10. Junkyard/Paradis remix, Catherine Vidal (Usine C) J’espère avoir assez établi le fait que je suis un fan fini de Mélanie Demers pour pouvoir dire ceci (qui, je crois, n’est pas l’opinion populaire) : Junkyard/Paradis est probablement sa pièce que j’aime le moins. Lors de l’événement MAYDAY remix, où la chorégraphe a laissé des artistes remixer son travail, la metteure en scène Catherine Vidal a donné au spectacle la structure dramatique qu’il méritait avec une fin des plus jubilatoires. 11. loveloss, Michael Trent (Agora de la danse) Extrait de ma critique : « Trent n’a toujours pas peur de prendre le temps qu’il faut. De plus, il évite ici l’humour, le théâtral et le mouvement séducteur (athlétique, rapide, synchronisé), toutes ces astuces que des chorégraphes moins confiants utilisent pour que leur dance soit plus accessible. L’interprétation est sentie sans être affectée. loveloss est une œuvre touchante … » 12. Milieu de nulle part, Jean-Sébastien Lourdais (Agora de la danse) Pour la performance de l’année, celle de Sophie Corriveau, qui s’est méritée la toute première résidence de création pour interprètes offerte par l’Agora de la danse. Notons que le diffuseur s’est démarqué avec une programmation solide pour une deuxième année consécutive. When music and movie awards come around, everyone likes to share their own picks and predictions for who should win. Not so with dance awards though. To be fair, dance awards aren’t much of a thing. New York has the Bessies (Louise Lecavalier, Édouard Lock, José Navas, Marie Chouinard and Benoît Lachambre are all local recipients) and Toronto has the Dora Awards (Gilles Maheu & Danielle Tardiff, Paul-André Fortier, Ginette Laurin, Benoît Lachambre, Daniel Léveillé, Tom Casey, Lina Cruz and Marc Boivin have gotten their hands on one), but live productions obviously don’t travel with the same ease that records and movies do, and any prediction that those of us who don’t happen to live in those cities might make would be little more than shooting in the dark.
It’s only three years ago that Montreal got its own dance award, Les Prix de la Danse de Montréal. Its Grand Prix can be awarded to any dance artist having presented work in the city the previous season. In 2012, a prize was added for Quebec choreographers. This year, yet another will be attributed to a Quebec dancer for the first time. Predictions remain difficult as nominations are non-existent. Quebec choreographers need to submit an application to be considered, but there’s no way to know who submitted one. Still, I decided to take a stab at it. Why shouldn’t dance also get some hype? LE PRIX DU RQD - INTERPRÈTE On the radar: Sophie Corriveau (Milieu de nulle part), Michèle Febvre (CHEESE), Margie Gillis (Florilège), Louise Lecavalier (So Blue), Carol Prieur (Henri Michaux : Mouvements), Manuel Roque (Projet In Situ) My pick: Sophie Corriveau (Milieu de nulle part) Corriveau floored me like no other with her performance in Jean-Sébastien Lourdais’s Milieu de nulle part, bringing the choreographer’s embodied aesthetic to its extreme. However, some purists might find that her performance was more acting than dancing. That’s not the only problem. Corriveau is actually part of the jury that gets to pick the recipient of the award this year. (Let’s note that Michèle Febvre is also part of the jury.) Let’s assume that Corriveau is humble enough not to vote for herself; one vote is a big loss when there are only five members in the jury. Her only chance to win is if the other four feel comfortable enough to shove the award in her hands. My prediction: Margie Gillis (Florilège) That’s why my second choice, Margie Gillis, will probably win. She is one of the most recognizable figures in Quebec dance and, with her show that celebrated her forty-year career by revisiting five pieces created over two decades (1978-1997), Gillis reminded us why that is the case. Her practice has legitimized dancing from the inside out. She makes the intangible manifest. LE PRIX DU CALQ POUR LA MEILLEURE ŒUVRE CHORÉGRAPHIQUE On the radar: Marie Chouinard (Henri Michaux : Mouvements), Lina Cruz (Rockin’), Maria Kefirova (The Nutcracker), Benoît Lachambre (Prismes), Jean-Sébastien Lourdais (Milieu de nulle part), Manuel Roque (Projet In Situ) My pick: Marie Chouinard (Henri Michaux : Mouvements) By translating Henri Michaux’s drawings into dance, Chouinard once again proved her ability to think the human body creatively. Some might (wrongly) feel that having a sort of pre-written choreographic score is cheating. Others might (rightly) feel it’s time to give someone else a chance as Chouinard already won the award two years ago… My prediction: Marie Chouinard (Henri Michaux : Mouvements) …but Benoît Lachambre already won the Grand Prix just last year; Maria Kefirova and Jean-Sébastien Lourdais’s work might not be considered “dancey” enough by some; Lina Cruz’s delightfully eccentric work was created for the students at L’École de Danse Contemporaine and so might have slipped under the radar; as might have Manuel Roque’s Projet In Situ (in which his choreography really became his own), which was presented for free in L’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme of Place des Arts. For those reasons, Chouinard has a good chance of winning again. LE GRAND PRIX DE LA DANSE DE MONTRÉAL On the radar: Marie Chouinard (Henri Michaux : Mouvements), Olivier Dubois (Tragédie), Jan Fabre (Drugs Kept Me Alive), Margie Gillis (Florilège), Maguy Marin (Salves), Meg Stuart (Built to Last) My pick: Olivier Dubois (Tragédie) After drilling the image of eighteen naked bodies walking up and down the stage into our heads for thirty minutes, Dubois created a work that explored all the big themes (life, the passage of time, mortality, death, and the role of art in all of this; in one word: humanity) without ever resorting to shortcuts, but by letting the meanings emerge on their own. However, the jury will probably consider Dubois too young to win this award (the previous three recipients were all born between 1958 and 1960)… My prediction: Maguy Marin (Salves) …which is why Marin will most likely win. The jury must be wishing that this award existed seven years ago so that they could have given it to her in light of the far superior Umwelt, but this will be their chance, especially since Marin comes to Montreal so rarely. They probably figure that they have a better chance of getting to give the prize to the other five in the future. They might also wish to avoid giving it to Chouinard or Gillis so as to not appear chauvinistic since two of the previous recipients, including last year’s, are from Montreal. Did I miss anyone who should be on the jury’s radar or mine?
Cazaux enfile un hoodie et bouge tout autrement. C’est une petite danse habituellement réservée pour la chambre à coucher, lorsqu’on est seul, à l’abri des regards, et qu’on se laisse emporter par nos émotions, sans aucun filtre. Il faut dire que la reprise de Smith & Burrows de « Wonderful Life » de Black colore sûrement la scène. C’est l’exutoire. Notre sexualité fait maintenant partie du domaine public tandis que nos émotions sont réservées pour le privé.
De peur. Duo, le seul du spectacle, pour Anne-Emmanuelle Deroo et Raphaël Cottin. L’équivalent au pas de deux à ce que le « par-dessus les pantalons » est au sexe. Ils sont torse nu, poitrine contre poitrine, mais leurs pieds ne pourraient être plus éloignés. La gestuelle est ici similaire à celle des jeunes chorégraphes québécois qui ont eux aussi touché aux relations amoureuses et sexuelles contemporaines, dont Virginie Brunelle, Dave St-Pierre, et Frédérick Gravel : dans les portées, où la femme saute, le corps rigide; lorsqu’elle se laisse tomber comme une planche et que l’homme l’attrape à la toute dernière seconde, avant que la tête ne frappe le sol; ou lorsqu’il la soulève alors que ses jambes sont écartées telles les parois d’un tunnel. On y retrouve la même relation push/pull et ce même si leurs corps sont presque constamment en contact. Particulièrement belle, cette image où, tronc contre tronc, genoux contre genoux, leurs jambes s’affaissent en étoile, donnant à leurs corps soudés l’apparence d’une araignée à quatre pattes. La vulnérabilité transparaît dans cette relation qui maintient une part d’antagonisme, alors que chaque geste révèle le besoin de l’autre tout en soulignant la peur que celui-ci pourrait nous briser. De doute. Solo pour Anne-Sophie Lancelin, en sourdine. On détecte une certaine violence, mais elle ne se trouve pas explicitement sur scène. C’est plutôt les traces qu’elle laisse dans le corps que l’on perçoit, celles de la vie qui nous use. Encore là, on ressent le paradoxe de la fragilité et de la force de l’humain. Sur la trame sonore, on peut entendre une femme clamer « I am yet to be broken. » La beauté persiste, celle de l’habilité du corps à exprimer sa réalité, au-delà des mots, sentie par l’interprète et ressentie par le spectateur. De solitude. Solo de Thomas Lebrun, encore plus calme. On peut comprendre cette progression anti-dramatique tout comme on peut la critiquer. Il passe la deuxième moitié du solo à vaciller sans jamais soulever ses pieds du plancher, immobilisé dans l’hésitation. Sans nous faire encaisser un coup fracassant, Trois décennies demeure le spectacle de danse qui joue le plus avec nos émotions depuis Milieu de nulle part de Jean-Sébastien Lourdais, aussi vu à l’Agora de la danse, en mars dernier. On remarque alors que la danse contemporaine en 2014 se fait surtout dans la tête… et on se souvient comment elle fait du bien lorsqu’elle frappe là où elle fait son meilleur travail. 23-26 septembre à 20h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 30$ / Étudiant ou 30 ans et moins : 22$
LOVE, by Loïc Touzé and Latifa Laâbissi, is a clearly delimited series of a dozen tableaux that can be narrowed down to a single action, each lasting about five minutes. In what becomes a ritual, the dancers enter the stage from the side and turn their head to the audience as they do so. They stand still with a neutral facial expression before performing their action and then returning to a still position before exiting.
Onstage, they fake boxing with their eyes closed, they walk on all fours like animals, the pretend to tap dance while barefoot… We are in a world of imaginary play, where the performers are devoid of emotional complexity, dehumanized, as clowns always are. In Dance and the Lived Body: A Descriptive Aesthetics, Sondra Horton Fraleigh writes, “The audience perceives [the dancer’s] dance through her movement as it conveys her intentions. In short, they see what she does and see the thought in it – not behind it or before it. If she moves softly, they see softness; if she moves sharply, that is what they see.” In light of this, it is interesting that LOVE is framed as a dance show since this conjunction is never present. Instead, everything the dancers do is fake. Even when they hit each other, it is never enough to actually hurt. When a woman pretends to run away from someone, she remains in the same spot. Given this constant artificiality, LOVE is more intellectual than emotional. One can only assume that the title is ironic. For the final scene, the picture of trees is lowered until it becomes the backdrop. It is only a signifier for the end since the conclusion is never earned. Each of the tableaux, essentially the same, could be interchanged without affecting the work in any way whatsoever. As such, it is reminiscent of Chris Haring’s Running Sushi, seen last year at Usine C. As I’m writing this, I come across another quote, this one by Oscar Wilde: “There are two ways of disliking art. One is to dislike it and the other is to like it rationally.” September 10 & 11 at 8pm Agora de la danse www.escalesimprobables.com 514.525.1500 Tickets: 28$ / Students or 30 years old and under: 20$ Prismes de Benoît Lachambre du 2 au 6 décembre (Danse Danse)
Avec l’aide de l’éclairagiste Lucie Bazzo, Lachambre explore à fond les jeux de lumières et de couleurs avec ce spectacle des plus stimulants visuellement. Dans sa tête & Six pieds sur terre de Maïgwenn Desbois du 20 au 21 décembre (Tangente) Avec ses pièces ludiques où elle gigue avec des interprètes ayant le syndrome de Williams et d’Asperger, Desbois nous reflète avec humour notre société capacitiste. Klumzy de Nicolas Cantin du 25 au 27 mars (Usine C) Cantin s’enfonce de plus en plus dans l’antithéâtre avec ce spectacle marquant, une suggestion de biographie de l’interprète Ashlea Watkins où la mise-en-scène de Cantin prend tout autant de place. CEUX DONT LA DERNIÈRE CRÉATION ME DONNENT RAISON D’ESPÉRER Bath House & Cherepaka d’Andréane Leclerc du 21 au 24 octobre (Tangente) Leclerc se sert du corps contorsionniste pour aborder des questions philosophiques et féministes dans des pièces sensorielles. Tête-à-tête de Stéphane Gladyszewski du 8 au 16 novembre (Agora de la danse) Gladyszewski utilise la technologie mieux que quiconque dans le monde de la danse. Pour Tête-à-tête, pièce pour un seul spectateur à la fois, ce dernier doit insérer son visage dans un masque pour voir la performance. Intrigant. Confession publique de Mélanie Demers du 8 au 11 avril (Usine C) Après avoir clos un cycle de pièces de groupe l’an dernier avec MAYDAY remix, Demers plonge dans le vide avec son nouveau spectacle, un solo. Peu de raisons de s’inquiéter; la chorégraphe, drôle et intelligente, ne rate jamais son atterrissage. Wolf songs for Lambs de Frédéric Tavernini du 14 au 18 avril (La Chapelle) Avec son installation chorégraphique Le Tératome, simple et efficace, Tavernini avait créé un univers cliniquement froid et fascinant. Il nous revient avec une autre installation, cette fois explorant l’imaginaire de l’enfance. http://www.dansedanse.ca/ http://tangente.qc.ca/ http://www.usine-c.com/ http://agoradanse.com/ http://lachapelle.org/ “Shake that ass” began my review of Ann Van den Broek’s Co(te)lette, and so could begin my review of Marlene Monteiro Freitas’s Paraíso – Colecção privada. Except there is a notable difference between the two works: in Co(te)lette, it was three women shaking their ass; in Paraíso, it’s three men. Also, while the gaze of men could be felt everywhere in Co(te)lette, they were nowhere to be found onstage. In Paraíso, the opposite gender finds embodiment in Freitas herself, who appears as a gothic mistress of ceremony with organ music at her disposal. She wears a black cactus-like helmet that is potentially inspired by spiders and her top comes with matador-like shoulder pads. For their part, the four men that join her are shirtless. Otherwise, some show the physical characteristics of particularly virile animals, like the tail of a horse or the horns of a ram. However, wild they are not. They are her beasts and they are most well trained, doing whatever she demands on command. Movements of her arms are scored by little bells, turning her creatures into Pavlov’s dogs. While their shell is butch, their behaviour is otherwise. Their dance is spastic, nervous. They look like battery-operated toy dogs, their movement jerky, like they’ve been emptied out of their soul and are now more akin to robots. When in a particularly S&M section Freitas jams a harmonica in one man’s mouth, the other’s wide doe eyes reveal that each fears the same fate. The horse-like man uses his hands to mimic wings on his back and a horn in the middle of his forehead, turning himself into a cross between a unicorn and a Pegasus. To satisfy their mistress’s desires, they must be able to change on a dime. There is something clown-like in the way all the performers act, if clowns weren’t the worst thing in the world. One man moves his pecs to the music. She rewards her pets with food (peanuts?)… though not always. When they take a break, Freitas feasts on a chicken and even offers some to a few audience members, but none to her male dancers. Her power extends beyond the stage as she orders the sound person to raise the volume or stop the music. She even targets coughing audience members by turning her hand into a fist. Paraíso is a sexist fantasy turned on its head. The question is whose paradise, of course, since (as the subtitle implies) the concept is necessarily private, personal. It’s only ever paradise for who is in power. The show might be a bit one-note, but it’s a pretty good fucking note. The movement vocabulary is singular and the dancers' commitment to it brings an equally unique world into being. The four men leave the stage shortly before the end, leaving Freitas to hog the spotlight. I wish the choreographer had carried her premise to its ultimate end by being the only one to come back out to take a bow. June 4-6 at 9pm Agora de la danse www.fta.qc.ca 514.844.3822 / 514.842.2112 Tickets: 38$ / 30 years old and under: 33$ Margie Gillis might be alone onstage, yet I never see her as such. There is always something surrounding her, though I cannot see it. It’s there, like a cloud, like the shape of ghosts. It doesn’t live independently from her though. I know because the invisible cloud follows her around. She brings it into being. It’s one of the links between the five pieces the dancer and choreographer is presenting at Agora de la danse to celebrate the 40th anniversary of her career. Between them, they span two decades, the first created when she was but 27. It’s with this one, Waltzing Matilda (1978), that she opens the evening, set to Tom Waits’s “Tom Traubert's Blues (Four Sheets to the Wind in Copenhagen).” Gillis seems to be inhabiting a dream world, yet an excess of emotion makes her body tip over into reality through gravity. In The Little Animal (1986), red lighting flattens her body into an image. Though she begins the piece on her feet, she soon ends up on her back as her contorted limbs move above her, awkwardly reaching out. I felt like I’d witnessed not dying, but birthing in reverse. There is a similar progression (or regression) in Broken English (1980), set to Marianne Faithfull’s song of the same name. However, the music here is more upbeat, and so is her dancing. Her upright body exhibits certitude and confidence, her arms drawing shapes into the air with precision. Nevertheless, she inevitably ends up on the ground, her movement convulsive. The words of James Joyce make up the soundtrack for Bloom (1989), more specifically the Molly Bloom soliloquy that ends Ulysses. Gillis’s dance becomes more literal and verbose as her hands act out the speech. Her acting abilities are nowhere more revealed than here. Though the most recent, Voyage (1997) is the most cloaked in the aesthetics of its time. The peculiarly fashioned lighting that falls on the background has a purple tint; cookie cutters shape the lighting that falls onto the floor into water ripples; and Gillis is wearing a trench coat and a beret. The dancer stands as on the edge of a precipice. The two suitcases dangling from her arms fly around her with a life of their own. Her balance is often threatened, as though she were standing on a boat rocked from side to side by waves. If there is another link in Gillis’s work, it is the powerlessness of human beings against the chaotic forces of the universe. In every piece, she appears like a speck of dust floating through space. By birth, we are all castaways, she seems to say. All we can do is control what is within us. February 26-28 at 8pm; March 1 at 4pm Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Tickets: 35$ / Students or 30 years old and under: 24$ Un carré lumineux. Trois immenses sabliers suspendus au plafond d’où s’écoulent les grains jusqu’à nos pieds. Ils ne couleront pas indéfiniment. Après nous avoir surpris en 2010 avec It’s about time: 60 dances in 60 minutes, un spectacle aussi conceptuel que ludique, le chorégraphe torontois Michael Trent nous emmène dans une nouvelle direction avec loveloss. L’interprète Simon Portigal entre seul en scène avec ces trois collines de sable qui grossissent tranquillement autour de lui. Ce sont ses bras qui guident le reste de son corps, mais eux-mêmes ne semblent trop sûrs où aller. Ils y vont au feeling, mais avec de plus en plus de certitude. Ellen Furey se joint à Portigal. Elle porte un pendentif. C’est un détail mineur, mais obsédant. Pour des raisons évidentes, les danseurs n’ont pas l’habitude de porter des bijoux sur scène. Ce rien imprègne une histoire dans son corps. Que signifie-t-il pour elle? Robert Abubo approche le plancher à son tour. Le carré blanc qui recouvre celui-ci n’est que du papier qui plisse sous le poids des danseurs. La rupture semble inévitable et pourtant c’est réconfortant. Le papier est fragile. Il est supposé se fracturer. C’est dans l’ordre des choses. À l’arrivée d’Amanda Acorn, on remarque que chaque interprète épouse la gestuelle de leurs partenaires lors de leur entrée sur scène. Par ce procédé d’imitation, ils semblent essayer le mouvement, comme s’ils pouvaient ainsi possiblement comprendre celui de qui il origine. Peut-être que celui qui était là avant a trouvé la solution aux problèmes que rencontrent ceux qui suivent. Benjamin Kamino complète le groupe. Après avoir enterré Portigal sous le sable, tous les danseurs explorent l’espace les yeux fermés, ce qui rappelle une scène du documentaire Encounters at the End of the World de Werner Herzog : des hommes vivant en Arctique qui tentent de trouver l’un des leurs en portant des lunettes noires pour simuler l’aveuglement qu’ils devraient confronter lors de poudrerie. La nécessité d’apprivoiser la noirceur avant qu’elle se manifeste pour pouvoir mieux la naviguer. L’une des rares qualités que loveloss partage avec It’s about time est que Trent n'a toujours pas peur de prendre le temps qu'il faut. De plus, il évite ici l’humour, le théâtral et le mouvement séducteur (athlétique, rapide, synchronisé), toutes ces astuces que des chorégraphes moins confiants utilisent pour que leur danse soit plus accessible. L’interprétation est sentie sans être affectée. loveloss est une œuvre touchante, le premier vrai bon spectacle de danse présenté à Montréal cette année. 12-14 février à 20h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$ As my years as a dance critic pile on, it’s probably to be expected that I see more and more works I’ve already seen. This year, I can think of at least five off the top of my head. The one that most stood up to a repeat viewing was Matija Ferlin and Ame Henderson’s The Most Together We’ve Ever Been. I took the bus to Ottawa to see it just as a snowstorm was hitting the city. The ride ended up taking four hours. I barely had enough time to shove some of the worst food I’ve ever had in my mouth before running over to Arts Court, an old courthouse that has been turned into a beautiful art space. And, as soon as the show started, I knew it was all worth it. Back in Montreal, Israeli choreographer Sharon Eyal made a much-anticipated return after six years with Corps de Walk, a show she created with her partner Gai Behar. The uniformity she imposed on the twelve dancers of Norway’s Carte Blanche was oppressive and disturbing. It was its own indictment of homogeneity. At the Biennale de gigue contemporaine, the always reliable Nancy Gloutnez stood out yet again. With Les Mioles, she borrowed from classical music and became a conductor, turned her dancers’ feet into instruments, and composed a score reminiscent of Steve Reich in its obsessive build-up. After years of being one of the most rigorous emerging choreographers in Montreal, Sasha Kleinplatz has now fully emerged with Chorus II. The audience stood above six male dancers who swayed between demonstrations of physical strength and chill-inducing vulnerability. It is now up to venue artistic directors everywhere to shine on Kleinplatz the spotlight she so clearly deserves. Speaking of which, 2013 was the year of Agora de la danse. They probably had their best programming since I started following dance. It all began with Karine Denault’s Pleasure Dome, in which musicians and dancers explored pleasure without ever lazily resorting to shortcuts. Rather, she allowed the meaning of the work to emerge on its own and for Pleasure Dome to impose itself by the same token. It was followed by When We Were Old, a duo by Québec’s Emmanuel Jouthe and Italy’s Chiara Frigo (presented in collaboration with Tangente). The choreographer-dancers managed to bypass every single contemporary dance cliché that usually occurs as soon as a man and woman are onstage. In each and every moment, their encounter felt fresh and sincere. Agora ended the year with Prismes by Benoît Lachambre, who a month later would win the Montreal Dance Prize. Created for Montréal Danse, Prismes explored the effect of light on perception in a chromatic environment, as well as the fluidity of gender. Lighting designer Lucie Bazzo outdid herself for this highly experiential work. At the Festival TransAmériques, it was French choreographer Boris Charmatz who stood out with Levée des conflits, an opus of twenty-five movements repeated as a canon by twenty-four dancers. From the simplicity of the choreography to the high number of performers, Levée des conflits impressively hovered between minimalism and excess. I spent the summer in Iceland, where my trip ended with the Reykjavík Dance Festival. There, Norway’s Sissel M Bjørkli presented one of the most singular shows I’ve ever seen with Codename: Sailor V. It took place in a tiny space, barely big enough to seat fifteen. The smoke that filled the room along with Elisabeth Kjeldahl Nilsson and Evelina Dembacke’s intensely saturated coloured lighting blurred the edges of everything. Inspired by anime, Bjørkli created an alter ego for herself and through imaginative play managed to turn an office chair into a spaceship. That shit was magical. So was Nothing’s for Something by Belgium’s Heine Avdal and Yukiko Shinozaki, which opened with a ballet for six curtains, each suspended by six huge helium-filled balloons. Set to classical music, it was reminiscent of Disney’s Fantasia. For its finale, eight such balloons were left to float around the room while emitting breathing sounds, appearing like disembodied alien visitors. Soon after my return to Montreal, Marie Chouinard presented Henri Michaux : Mouvements. The genesis of this work, when Carol Prieur first incarnated the drawings of Henri Michaux back in 2005, is the reason why I’m a dance critic today. Seeing the twelve dancers of Chouinard’s company lend themselves to the exercise was just as riveting eight years later. By translating drawings into movement, Chouinard demonstrated the power of dance to think the body creatively. Usine C ended the year on a high note with their program from the Netherlands, most especially Ann Van den Broek’s feminist work for three female dancers, Co(te)lette. The show was powerful in its exposition of women’s bodies as a site of tension, torn between being objects of desire and embodied subjects. We can only hope that there will be more works like it in 2014. |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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